Des fripes pour distiller de l'art et du sens

Publié le par chezritalove.over-blog.com

Article Ouest France, Mars 2010

 

Vendre des fripes, agir artistiquement, être solidaire et militant de la diversité culturelle, renouer avec ses racines créoles tout en créant son emploi... C'est Priscilla Zamord.

 

Reportage

 

Samedi après-midi, au premier étage du café-laverie de la rue de Robien, cinq personnes fouillent dans les fripes de « Chez Rita Love ». Ils essayent vestes et chapeaux en rigolant devant la glace de cet appartement-magasin aux couleurs chaudes. Il est rapidement évident qu'il ne s'agit pas que d'une simple boutique. La déco montre le sens de la récupération. Des photos renvoient à des résidences artistiques. Un portrait d'Aimé Césaire prouve que la créolisation est, ici, un concept fondateur.

Les détails viennent avec Priscilla Zamord, installée dans son petit bureau voisin. Cette Rennaise de 27 ans, débordante d'énergie, raconte l'histoire de cette « friperie solidaire »en mêlant anecdotes, idées fortes et actions concrètes.

« Ce magasin de vêtements d'occasion et de déguisements est solidaire parce qu'il est géré par une association et que les ventes doivent servir à financer des actions culturelles et de l'emploi. »

L'association, c'est La Distillerie, créée en 2006. À l'époque, Priscilla vient de finir ses études dans le domaine des métiers de l'exposition à l'Université de Rennes 2.

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De Fort-de-France à Rennes

Rapidement, La Distillerie s'envole pour Fort-de-France en Martinique. Avec une amie parisienne, Priscilla y monte une rencontre autour du plasticien Christian Bertin qui travaille sur la blessure inguérissable de l'esclavage, « le blès » en créole. Y participent de jeunes Martiniquais désoeuvrés, des professeurs et des étudiants des écoles des Beaux-Arts de Rennes, Quimper et Montpellier. Un dvd montre la qualité des réalisations plastiques éphémères réalisées à cette occasion.

Une autre aventure artistique rassemblera un photographe et une troupe de carnaval. Outre la dimension sociale et culturelle, « c'était aussi une quête identitaire », avoue la jeune femme aux racines antillaises paternelles.

Femme et black

De retour à Rennes, comment continuer à écrire l'histoire de La Distillerie ? C'est là qu'apparaît cette idée de friperie... Et d'auto-création d'emploi pour Priscilla. « On est parti avec 600 € de budget. Rien n'aurait été possible sans la mobilisation des bénévoles. L'association compte une trentaine d'adhérents à Rennes, Paris et Fort-de-France. Il y a des Bretons, des Allemands, des Antillais, de 16 ans à 60 ans, de toutes origines. »

Le magasin se monte en faisant rimer mixité culturelle, recyclage, détournement, création. Mais aussi en se cognant à des idées préconçues. « Il y a un décalage entre le discours et la réalité. On parle beaucoup d'économie sociale et solidaire mais on a juste obtenu 1 600 € du conseil général pour créer mon poste. Les banques et les institutions donnent parfois l'impression de ne pas voir, qu'aujourd'hui, des gens veulent consommer différemment ou que le modèle associatif est encore valable. En plus, je suis une femme et black. À Rennes, on est chanceux mais il y a quand même régulièrement des clichés, des gestes idiots et des gens qui croient que Toussaint Louverture est une marque de café ! »

Dès mars, un deuxième salarié à mi-temps arrive et, pour l'avenir, la friperie rêve de devenir un chantier d'insertion. En attendant, vendredi prochain, c'est « apéro frip'».

   

Gilles KERDREUX.

Ouest-France

Publié dans Dossier de presse

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